Le 26 juin, quelque 60 personnes ont participé à la conférence-débat d’Olivier De Schutter à propos de notre alimentation. Cette conférence était organisée par les locales ECOLO de Chastre, Mont-Saint-Guibert et Walhain. Les défis à relever, les pistes de sortie de l’impasse actuelle, les raisons de l’inertie, les initiatives locales et le changement du système en étaient les principaux thèmes.
Le défi à relever ? L’alimentation à bas prix
Les dépenses des ménages en alimentation ont diminué de 40% en 50 ans. La raison majeure en est l’alimentation « low cost » qui s’est développée avec l’augmentation de la productivité agricole des années 50 – 60, privilégiant les grands volumes et maximisant les capacités d’exportation. Ce qui a eu un triple impact :
- sur l’environnement par l’augmentation des effets de serre et l’appauvrissement des sols ;
- sur les agriculteurs par la disparition des petites exploitations et la volatilité des prix d’une agriculture tournée vers l’exportation ;
- sur la santé : obésité surtout chez les jeunes et les populations les plus pauvres, diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers gastro-intestinaux…
Les pistes de sortie ? Agro-écologie, relocalisation, participation
- Développer l’agroécologie qui combine des cultures associées, diversifier plutôt que prôner la monoculture. La production à l’ha pourrait même en être améliorée, contrairement aux idées reçues sur le sujet.
- Relocaliser la production : relier les producteurs aux consommateurs locaux (écoles, quartiers moins favorisés, marchés locaux). Une expérience a été menée à Gand en ce sens.
- Favoriser la démocratie alimentaire. On constate que les projets qui marchent le mieux sont ceux qui partent des habitants eux-mêmes. Il y a plusieurs voies possibles mais il est nécessaire que la population s’approprie les choix.
Pourquoi tant d’inertie ? L’évolution culturelle, un élément majeur
Le système actuel a une grande force d’inertie. Tous ses éléments évoluent simultanément : le choix des techniques, la mécanisation, les infrastructures. Mais aussi, paramètre très important, l’évolution culturelle et des mentalités : formatage par la publicité, perte de la culture culinaire, manque de temps, plats cuisinés… Et encore, l’évolution socio-politique qui promeut les solutions à court terme car à portée de main.
Les obstacles sont multiples : obsession à l’exportation, attente de petits prix, pensée compartimentée, à court terme, prenant pour mesure de réussite la croissance, phénomènes de dépendance, et de concentration du pouvoir.
Le potentiel des initiatives locales ? Important mais à articuler aux autres niveaux de pouvoir
De nombreuses initiatives privées font bouger les choses, comme les Gac (groupes d’achats communs), Le Début des Haricots, Terre-en-vue, Be Planet, etc. Des communes sont également à l’origine d’initiatives intéressantes visant parfois les moins favorisés : ‘Plat Net Santé’ à Charleroi, ‘Rat des villes, rat des champs’ à Liège. Olivier De Schutter souligne que les plus pauvres en ont aussi marre de cette alimentation low cost car ils sont les premières victimes de la malbouffe.
Il faut toutefois établir de la cohérence entre initiatives locales et autres niveaux de pouvoir. La commune est trop petite, les dynamiques transcommunales sont plus porteuses. Raisonner en terme de bassin de vie est prometteur.
Ces initiatives peuvent-elles changer le système ? Oui, grâce aux innovations « inassimilables »
Les réactions devant la situation peuvent être de différents ordres :
- attendre que la pression soit trop forte et que le système soit obligé de changer. Mais cela nécessite de passer par une crise majeure;
- imaginer que le système va s’écrouler sous les tensions internes. Mais c’est sans doute faire preuve de trop pessimisme et de trop d’optimisme;
- reconfigurer le système par la récupération d’innovations de niches. Mais cela ne fait que perpétuer le système.
Les innovations inassimilables, trop différentes et que le système ne peut assimiler sont, quant à elles, véritablement porteuses de changement.
Questions-réponses
- Quid de la résistance des agriculteurs ? Les agriculteurs ont pour objectif la maximisation des profits. Les choix agronomiques y sont liés. Il faudrait des incitants et une autre politique européenne.
- Le rôle de l’Europe ? C’est un animal du 20e siècle dont le leitmotiv est uniformiser et mettre en concurrence. C’est un logiciel qui ne fonctionne plus. L’Europe a trop peu investi dans la diversité. Or, le système alimentaire touche à tout.
- Qu’entend-on par gestion participative ? Ne peut-on pas parler plutôt d’intelligence collective ? Il faut faire appel à l’intelligence collective car les gens sont bien mieux informés que dans le passé, éviter de délégitimer le politique tout en faisant réellement participer les gens, comme par exemple via un Conseil de politique alimentaire.
- Qu’entendez-vous par niches inassimilables ? Elles participent d’une vision à long terme, d’un modèle de société pour l’avenir, qui met le bien-être au centre de ses préoccupations car il s’agit de transformer les habitudes alimentaires. Son ambition rend l’initiative inassimilable car elle subvertit le système. Pour mémoire, l’agriculture bio était à l’origine une critique du système.
- Autosuffisance alimentaire en RW ? Il faut définir les choix en fonction des besoins alimentaires locaux. Le commerce doit être subsidiaire. Il faut rééquilibrer les choses, ce qui est différent de la concurrence internationale.
- Différence entre permaculture et agroécologie ? Il y a des similitudes (cultures associées) et des différences. La permaculture a une dimension plus spirituelle, l’agroécologie est un mouvement social et vise le système.